L'impact de la recherche
Fin 2022, le COMETS a rendu un avis sur la question de l’impact environnemental de la recherche scientifique. Dans quel contexte le comité a-t-il été saisi ?
Le COMETS avait été saisi dans un contexte d’interrogations profondes, au sein du monde de la recherche, sur la responsabilité de ce secteur à l’égard des défis environnementaux. Il existe d’importantes divergences quant aux directions à prendre. Il y a un conflit de valeurs entre ceux qui, d’un côté, considèrent comme une priorité la réduction de l’impact de la recherche et ceux qui, de l’autre, estiment que le besoin de connaissances doit primer sur toute autre considération. Il nous semblait nécessaire d’apporter des éléments pour cadrer ce débat éthique.
Vous avez participé à cette réflexion. Quelles en sont les principales conclusions ?
Nous avons tout d’abord estimé que la prise en compte des impacts environnementaux de la recherche relevait du champ de l’éthique, au même titre, par exemple, que l’expérimentation animale. Ce postulat induit qu’il est de la responsabilité collective des personnels de la recherche de s’impliquer dans la réflexion. Nous pensons qu’il n’est plus possible aujourd’hui de balayer ces questions d’un revers de main.
Parmi nos recommandations, l’une d’entre elles me semble essentielle : la nécessité d’ouvrir un vaste débat interne. Il est impératif de créer des espaces de discussion sûrs qui permettent à chacun d’exprimer ses valeurs et de naviguer vers une position commune.
Le COMETS recommande aussi que ce débat soit équipé d’outils méthodologiques pour évaluer l’impact environnemental, et que la communauté scientifique y consacre des moyens. Plus généralement, nous encourageons le développement d’une culture de l’impact dans le milieu de la recherche.
" La question de l’empreinte environnementale de la Flotte océanographique française, comme celle de la recherche au sens large, est complexe. Il ne faut pas tomber trop rapidement dans le normatif. Je crois qu’il convient d’abord de définir des grandes lignes, des pistes. Les espaces d’échanges qui sont ouverts aujourd’hui par l’infrastructure de recherche Flotte océanographique française devront être maintenus pour permettre à tous les acteurs de s’emparer des enjeux."
Eric Guilyardi
Quel regard portez-vous sur la démarche « Imaginons la Flotte océanographique française à l'horizon 2035 » ?
C’est une très bonne chose ! À l’instar de la prospective Océan-Atmosphère dont le colloque de synthèse s’est tenu en janvier 2023, cette démarche lancée par la Flotte océanographique française prouve qu’il y a une vaste prise de conscience de l’enjeu que représente l’empreinte environnementale de la recherche et en particulier des navires océanographiques. Il est important et nécessaire de mener cette réflexion collectivement. Dans les labos, on ressent une forte motivation, de la part des jeunes chercheurs notamment, à faire avancer les choses. Ils ont besoin de cohérence entre leur pratique et le résultat de leurs recherches.
Quels écueils seraient, selon vous, à éviter ?
Le risque serait, sous la pression, de ne pas prendre le temps de l’appropriation. Or, c’est crucial ! La question de l’empreinte environnementale de la Flotte océanographique française, comme celle de la recherche au sens large, est complexe. Il ne faut pas tomber trop rapidement dans le normatif. Je crois qu’il convient d’abord de définir des grandes lignes, des pistes. Les espaces d’échanges qui sont ouverts aujourd’hui par l’infrastructure de recherche Flotte océanographique française devront être maintenus pour permettre à tous les acteurs de s’emparer des enjeux. Cette démarche s’inscrit dans le temps long, même si des premières actions peuvent se mettre en place rapidement.