Le futur de la Flotte

Les études prospectives scientifiques et technologiques montrent l’émergence de nouveaux besoins en termes de missions sous-marines dans les domaines de l’exploration, de la cartographie, du suivi, et dans l’observation à court ou à long termes. Les futurs schémas de travail montrent la nécessité de couvrir des échelles larges soit géographiquement (de 1 à 100 km2) soit temporellement (de l’observation instantanée à la surveillance pluriannuelle) en générant des observations quantitatives impliquant de nombreux paramètres topographiques, physiques et biochimiques.

Les recherches technologiques dans le domaine sous-marin s’articuleront autour de trois axes permettant la réalisation de scénarios multi-engins performants, ou le service des observatoires de demain : concepts d’autonomie et d’intelligence embarquée pour les AUV (Autonomous Underwater Vehicle), techniques avancées de télé-opération des ROV (Remote Operated Vehicles), interconnexion des engins et des outils dans des schémas d’opérations multi-systèmes.

Lautonomie et l’intelligence embarquée, en particulier celle des engins sans lien physique avec la surface, évoluera au travers de nouvelles capacités décisionnelles embarquées, mettant en œuvre des stratégies de missions intelligentes, des méthodes de navigation sous-marines et de la fusion des données optiques et acoustiques. Face à une multitude de domaines et d’applications scientifiques, les outils de programmation et de validation des logiques de mission, associés à des « briques » pour l’interprétation des données « multi-capteurs », devront s’inscrire dans une ergonomie de haut niveau permettant une implémentation de nouvelles stratégies sur le terrain.

Du côté de la maîtrise énergétique, les capacités à stocker l’énergie sur le véhicule et à optimiser sa consommation impacteront positivement l’endurance en cohérence avec l’évolution de l’autonomie décrite ci-dessus.

La télé-opération des interventions sous-marines requiert, afin de créer une rupture conceptuelle dans le domaine des ROV, des techniques nouvelles de perception s’appuyant sur des méthodes innovantes mettant en œuvre une « perception persistante » cumulant les données extéroceptives dans un modèle 3D de l’environnement d’intervention. En intégrant des informations de haut niveau applicatif en cours de mission, ce modèle 3D deviendra la scène des opérations : l’utilisateur pourra commander des déplacements du robot, et des actions de mesure, de prélèvement etc.

Des actions semi-automatiques permettront de libérer le pilote des tâches inférieures, les asservissements du robot et du navire tenant compte du contexte de l’action en cours conduiront à fluidifier manœuvres et les interventions. Des outils logiciels de gestion de la plongée collaborative permettront de tirer pleinement bénéfice des possibilités de la télé-présence.

Le transfert matériel entre fond et surface, faisant appel à des navettes câblées ou autonomes, capables de réaliser des allers-retours réguliers, représente un enjeu particulier pour complémenter les ROVs et mettre en valeur les plongées de longue durée.

Les approches de multi-systèmes exploiteront plusieurs types d’engins mobiles ou permanents dans des scenarii d’interconnexion et de mise en réseau grandissants. Elles nécessitent des outils nouveaux pour la communication sans fil à haut débit, des fonctions et instrumentations de guidage et de connexions mécanique (maintenance, transfert d’équipement…), électrique (charge…) et informatique (données, programmation…).

 

Afin d’améliorer très significativement les performances des sondeurs embarqués, la R&D en acoustique sous-marine s’oriente vers l’exploitation de la mesure de la réflectivité (des fonds marins ou de la colonne d'eau) par les sondeurs mono et multifaisceaux, sujet qui soulève un intérêt croissant chez les diverses communautés d’utilisateurs, scientifiques ou industriels. Classique en halieutique, cette approche offre des perspectives importantes dans les applications de la cartographie sonar des fonds marins. Elle s’appuiera sur la mise au point de procédure d’étalonnage du niveau de réflectivité mesuré par les sondeurs mono et multifaisceaux de la Flotte, étape importante pour l’exploitation de la réflectivité des cibles dans la colonne d’eau et sur le fond de mer. 

 

L’acoustique environnementale étudie l’impact des ondes sonores sur les espèces marines. S’appuyant sur des coopérations renforcées au niveau national ou international (NOAA – USA) les travaux vont intégrer de nouvelles classes de mammifères marins et des nouveaux seuils de dangerosité à prendre en compte dans l’étude d’impact des outils de la Flotte, mais également s’ouvrir à d’autres applications telle que la limitation des captures accidentelles (dauphins, tortues marines) par les engins de pêche en développant des répulsifs acoustiques. Ces développements nécessitent l’étude, la réalisation et la qualification de nouveaux transducteurs électroacoustiques.

 

L'objectif de la télé-présence est d'optimiser les campagnes scientifiques menées avec les navires océanographiques en proposant à une équipe élargie à terre de participer à distance à la mission. Ce concept qui s’appuie sur les technologies de transmission par satellite est tout particulièrement bien adapté aux missions d’exploration conduites avec des engins télé-opérés à bord des navires côtiers, ceux-ci offrant des places limitées à bord. Sa pertinence a été démontrée ces dernières années, mais l’avenir est désormais, en s’appuyant sur des outils de communication offrant des coûts plus abordables, au développement de concepts de campagnes réalisées dans une infrastructure distribuée et intégrée allant d’un « laboratoire flotte » à terre, jusqu’aux capteurs sous-marins, en passant par le navire.

 

Enfin, la conception des navires océanographiques du futur doit être envisagée conjointement avec la nouvelle génération d'équipements de recherche associée Ils devront être en rupture technologique avec les navires actuels dont la propulsion repose essentiellement sur l'utilisation d'énergie fossile. Si les solutions de pile à combustible ou de batterie seule semblent difficiles à envisager actuellement en ce qui concerne l'autonomie requise, les navires à venir pourraient s'orienter vers des concepts de propulsion hybride (générateurs et batteries) afin d'optimiser la consommation et de permettre de réduire les rejets atmosphériques. D'ici 2030, des concepts novateurs concernant les navires océanographiques multidisciplinaires devront être imaginés, incluant l'incorporation de nouvelles sources d'énergie dans leur mix énergétique et l'optimisation de leur route et de leur consommation grâce aux progrès de la prévision météorologique et de l'intelligence artificielle.