1.1. Les forces de l’océanographie en France, les enjeux internationaux

1.1.1. Les Forces

Nous proposons ici un recensement de l’ensemble des personnels permanents, chercheurs, enseignant-chercheurs et physiciens des observatoires, ingénieurs et techniciens, qui utilisent la FOF (voir tableau Annexe 3), soit directement (embarquant) soit en travaillant sur des données ou échantillons issus des campagnes.  Un tel inventaire, conduit avec le filtre « FOF », n’avait jamais été fait et a demandé de solliciter tous les directeurs d’unité concernés.  L’hétérogénéité des retours n’a pas permis la granularité du traitement espérée (par exemple, on ne peut de façon fiable identifier le nombre d’enseignants-chercheurs).

Sans prétendre à l’exhaustivité, il apparaît que l’essentiel de ces personnels est réparti dans une soixantaine de laboratoires qui couvrent l’ensemble du territoire national, Métropole et Outre-Mer. Ces laboratoires sont pour les trois-quarts des Unités Mixtes de Recherche (UMR) rattachées en premier lieu à l’INSU (30) ou à l’INEE (16), et à plus d’une vingtaine d’Universités. Les autres tutelles de ces UMR sont principalement l’Ifremer, l’IRD et le MNHN, mais aussi le CEA, le CNES, le BRGM ou l’EPHE. Le dernier quart est essentiellement constitué des unités propres de l’Ifremer (15).

Sur les quelques 2600 chercheurs et 1500 ingénieurs et techniciens de ces laboratoires, un peu plus de 40% travaillent avec la FOF, soit près de 1800 personnes, avec un rapport IT/C d’un peu plus de 1 pour 2. Si l’on incluait les personnels contractuels - ingénieurs, doctorants et post-doctorants - il faudrait doubler cet effectif soit environ 3600 utilisateurs de la FOF.

Leur répartition en termes de thématique générale est illustrée ci-contre, soit un peu moins d’un quart en Géosciences Marines et paléo-environnements (GM), un peu moins d’un tiers en Physique-Biologie-Cycles (PBC), et près de la moitié en biologie, recherches halieutiques et écosystémiques confondues (HAL & BEB).

Tous les moyens de la FOF sont utilisés, les campagnes océanographiques étant menées sur les navires de station (35 laboratoires sur 60) et sur ceux de la flotte côtière (47) et hauturière (49). Si l’on croise thématique et catégorie de navires, on constate assez naturellement une légère préférence pour la flotte hauturière en PBC, et une utilisation renforcée des navires de station dans la communauté BEB, mais la plupart des laboratoires utilisent l’ensemble des moyens de la FOF. Cela traduit sans doute un renforcement des activités aux interfaces, à la fois géographiques (continent-côte-large) et thématiques.

Sur le plan thématique, des analyses plus fines peuvent être trouvées dans les travaux de prospective des différentes tutelles, notamment la Prospective Terre Solide 2016-2020, la Prospective Océan-Atmosphère (à paraître en 2017) et la Prospective INEE (à paraître en 2017).

1.1.2. La programmation internationale et nationale

Cadre International

L‘océanographie requiert des moyens lourds et onéreux (satellites, navires, instruments autonomes …) pour étudier des objets complexes. Que ce soit en physique, biogéochimie, biologie ou géoscience marines, les chercheurs de ces disciplines se structurent à l’échelle mondiale pour progresser avec intelligence et rationalité sur la connaissance d’un objet donné. Bien que compliquées à mettre en œuvre, des programmations collaboratives ont progressivement vu le jour depuis le début des années 90. Elles sont associées à la mise en place d’une coordination internationale permettant d’éviter, par exemple, que des régions considérées comme clefs échappent à l’observation. Les décisions de développer des réseaux d’observation ou de grands programmes de mesure se font sous l’égide d’ombrelles que sont les académies, l’organisation mondiale de la météorologie ou encore les nations unies, via l’UNESCO. Ces décisions reposent sur des conseils scientifiques internationaux, dans une démarche « bottom-up », la structuration mise en place répondant en premier lieu aux exigences imposées par le besoin de connaissance. Certains de ces programmes proposent un plan d’implémentation discuté par tous les pays partenaires, une discipline d’acquisition des données et de leur mise en banques ouvertes. D’autres programmes ont simplement un rôle d’animation scientifique et de suivi d’actions. Les schémas récapitulatifs proposés en Annexe 4 tentent d’apporter un éclairage sur ces architectures, nécessairement intriquées. Ces différents programmes induisent une structuration nationale cohérente avec ces enjeux mondiaux.

En géosciences marines, la communauté participe activement aux programmes et réseaux internationaux ECORD (European Consortium for Oceanic Research Drilling ; http://www.ecord.org), EMSO (European Multidisciplinary Seafloor and water-column Observatory ; http://www.emso-eu.org), JERICONEXT (réseau européen d’infrastructures dédiées à l’observation côtière ; http://www.jerico-ri.eu) et EMODNet (European Marine Observation and Data Network ; http://www.emodnet.eu). Elle contribue à des infrastructures de Recherche internationales telles qu’INTER-RIDGE et IODP et nationales telles que les IR-EMSO France (EMSO-Açores, EMSO-Ligure et EMSO-Marmara) et l’IR I-LICO (Littorale et Côtière) via des services et réseaux d’observations (labellisés ou en cours de labellisation DYNALIT et SOMLIT). Ces réseaux et programmes internationaux, européens et nationaux permettent d’apporter des éléments de réponses aux demandes sociétales (climat, géorisques aléas, énergie renouvelable, ressources minérales,…)  et aux problématiques fondamentales du fonctionnement du système Terre à toute échelle de temps géologique.

En océanographie physique, chimique ou géochimique, la communauté internationale s’est fortement impliquée au cours des 20 dernières années dans le développement de réseaux d'observation in situ de l’océan et des campagnes en mer coordonnées. Ces réseaux et programmes d’observation in situ coordonnés fournissent des informations sur les variables océaniques identifiées comme essentielles pour répondre aux enjeux liés au changement climatique, à l’océanographie opérationnelle et à la santé des océans, mais également pour des études de processus (ex: température, salinité, courant, pH, CO2, isotopes de l’eau, éléments nutritifs, chlorophylle etc…). Ces réseaux s’appuient sur différents types de plateformes, mobiles (bateau, flotteurs, gliders) ou fixes (mouillages, etc.), autonomes (flotteurs, bouées, gliders), satellitaires ou in situ, etc. (Annexe 4). Grâce à sa flotte océanographique, la France est particulièrement active, voire moteur, au sein des programmes Argo de flotteurs profileurs autonomes (http://www.argo.ucsd.edu/), Go-Ship (maintien d’un réseau de sections hydrographiques, http://www.go-ship.org/) et GEOTRACES (étude des cycles biogéochimiques d’éléments traces et de leurs isotopes, http://www.geotraces.org/). Ces trois programmes proposent une approche intégrée, de la rédaction d’objectifs scientifiques avec implémentation des campagnes à la réalisation de bases de données, données validées par des protocoles rigoureux.  Les chercheurs nationaux sont aussi très actifs dans les animations des programmes IOCCP (réseau mondial d'observations du carbone océanique; http://www.ioccp.org/) SOLAS (pour les questions à l’interface océan-atmosphère, http://www.solas-int.org/), IMBER (pour l’étude intégrée de la biosphère marine) et dans les systèmes d’observations des océans tropicaux (PIRATA, TPOS2020).  

En biologie, écologie et biodiversité marines le contexte programmatique international s’est structuré plus récemment, notamment suite à l’impulsion du Census of Marine Life (CoML 2000-2010). Tous les organismes sont concernés, du monde microbien aux grands prédateurs, de la plage aux abysses et sous toutes les latitudes. Autour de la biodiversité, et sous l’égide des grandes instances internationales (UNESCO-UNEP & IOC, ICSU, IUCN, IUBS, IODE), ce sont des programmes de coordination de la recherche (Future Earth et programmes issus de Diversitas – bioDiscovery, bioGenesis, ecoServices), de l’observation (GEOBON et ses déclinaisons thématiques – MarineBON – ou régionale – ECOSCOPE en France) et de la bancarisation (GBIF, OBIS & WoRMS) qui ont vu le jour ces dernières années (Annexe 4). Tous les échantillons biologiques prélevés lors des campagnes de la FOF sur ses navires hauturiers, de façade ou de station, ainsi que les données issues de l’analyse fonctionnelle ou évolutive de ceux-ci ont vocation à contribuer à ces programmes via leurs déclinaisons ou points d’entrée nationaux ou européens. Les données de séquençage (ADN, ARN ou protéines) issus de ces échantillons rejoignent d’autres banques mondiales, comme GenBank ou UniProt. A noter les ex-programmes UE EurOceans, MarBEF et Marine Genomics dont les communautés sont aujourd’hui regroupées dans EuroMarine qui, avec l’European Marine Board et le JPI Ocean structurent les recherches et la communauté au niveau européen. Pour ce qui concerne les ressources biologiques marines, l’IR EMBRC (et sa déclinaison européenne ESFRI EMBRC) ouvre l’accès aux navires de station de Roscoff, Banyuls et Villefranche à une communauté élargie de biologistes.

Les biologistes marins et les écologues des pêches mobilisent aussi la FOF pour des mises au point méthodologiques et la mise en œuvre de campagnes menées en appui aux politiques publiques qui sont tout ou partie financées par l’Etat français ou l’Europe. Ces campagnes, initialement focalisées sur l’évaluation de stock dans le cadre de la Politique Commune des Pêches, ont été étendues à l’ensemble de l’écosystème en lien avec la Directive Cadre sur l’Eau (DCE 2000), et la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM-2008). Souvent récurrentes, ces campagnes fixent géographiquement certains navires de la FOF rendant impossible leur déplacement vers d’autres océans (eg la Thalassa est restée longtemps cantonnée à l’Atlantique nord).

 

Cadre National

Les chercheurs français participent activement à ces conseils scientifiques internationaux et y insufflent leurs priorités scientifiques. Par conséquent, il est cohérent qu’en France les appels d’offre de l’INSU, de l’INEE, de l’IFREMER ou de l’IRD, coordonnés au sein du Groupe Mer d’ALLENVI, veillent à relayer ces grands programmes et à stimuler une activité scientifique en accord avec ces objectifs mondiaux.

Quel que soit le champ disciplinaire (géologie, physique, biologie, chimie…), les  thématiques scientifiques abordées par la communauté nationale s’appuient sur les campagnes océanographiques menées sur les navires de station et de la flotte côtière et hauturière, et ce dans tous les océans. Les montages des projets se font avec le soutien des organismes (INSU et INEE au CNRS, IRD, IFREMER, IPEV…) et de l’ANR, qu’il est trop souvent nécessaire de compléter par des financements Labex, Idex ou encore régionaux ou privés (voir à ce propos 1.6.1 et 2.5), sur réponses aux appels d’offre.