Interview des chefs de mission de la campagne CHUBACARC

L'Atalante basé à NouméaL'Atalante basé à Nouméa
30 scientifiques à bord de L'Atalante durant 11 semaines :

Campagne CHUBACARC (Connectivité et Histoire des commUnautés hydrothermales des BAssins/volCans arrière-ARC du Pacifique ouest)

Du 25 mars au 07 juin 2019

Chefs de mission interviewés :

Leg 1 : Stéphane HOURDEZ, Observatoire Océanologique de Banyuls (CNRS / Sorbonne Université, UMR 82222 LECOB : Laboratoire d’Ecogéochimie des Environnements Benthiques)

Leg 2 : Didier JOLLIVET, Station biologique de Roscoff (CNRS / Sorbonne Université, UMR7144 AD2M : Laboratoire Adaptation et  Diversité en Milieu Marin)

Depuis quelques années, l’écosystème hydrothermal profond fait l’objet d’une demande croissante de permis/concessions en vue de son exploitation minière. Cet environnement fait donc aussi l’objet d’études visant à mieux connaître l’état zéro des communautés inféodées à ce système instable et fragmenté pour en apprécier sa capacité de résilience face à la perturbation.

Durant 11 semaines, trente scientifiques ont embarqué à bord de L’Atalante pour définir les patrons de la distribution spatiale de la biodiversité associée aux sources hydrothermales du Pacifique Ouest et évaluer le degré de connectivité des populations pour prédire leur devenir face à l’exploitation minière dans ces eaux.

Vous avez participé à la campagne CHUBACARC, quels en étaient les objectifs ?

Les objectifs de la campagne étaient d’échantillonner la faune hydrothermale et la faune périphérique immédiate de 5 zones hydrothermales réparties sur une distance totale de 5 000 km (Bassins de Manus, Woodlark, Nord Fidji, Lau et la zone arrière-arc de Futuna).

La campagne visait à faire un inventaire de la biodiversité pour chaque zone et échantillonner des populations d’espèces cibles pour déterminer la connectivité intra- et inter-bassins de leurs populations. Pour chaque site, les conditions physico-chimiques ont été déterminées pour mieux comprendre le rôle des conditions abiotiques (nature des roches, composition du fluide) sur la distribution des espèces et les processus de colonisation à l’échelle régionale (dynamique des populations, échanges migratoires).

Ces données mèneront à une meilleure compréhension de l’isolement des populations des différentes espèces hydrothermales et le risque potentiel que représenterait une exploitation des ressources minières profondes.

Un objectif secondaire de cette campagne était de découvrir de nouveaux sites hydrothermaux, notamment au niveau de la dorsale de Woodlark ou des indices d’hydrothermalisme avaient été obtenus précédemment par une campagne allemande.

Dans quelle zone géographique s’est déroulée la campagne ?

La campagne s’est déroulée dans le Pacifique Ouest, au départ de Nouméa (Nouvelle Calédonie).

Le premier leg a visité les zones hydrothermales des bassins Nord Fidji et de Lau, celles de la zone arrière-arc de Futuna.

Le second leg a visité les zones hydrothermales associées aux rides et volcans du bassin de Manus et de localiser le premier site actif sur la dorsale de Woodlark.

Avec quel équipement avez-vous travaillé lors de cette campagne ?

La campagne s’est déroulée sur L’Atalante et a mis en œuvre le ROV Victor.

Une rosette CTD a aussi été utilisée lors du second leg pour détecter la présence de panaches hydrothermaux dans la colonne d’eau et collecter des échantillons pour des analyses à bord et à terre.

Des carottiers multi-tubes ont également été utilisés pour échantillonner le sédiment au voisinage des sites actifs afin de réaliser une première étude de biodiversité à partir d’ADN environnemental.

Comment remontiez-vous les échantillons prélevés par le ROV Victor ?

Les échantillons ont été remontés par l’intermédiaire d’ascenseurs autonomes ou avec le ROV à la fin des plongées. Une attention particulière a été portée sur la stratégie d’échantillonnage des 3 principales communautés (moulières, escargotières à Alviniconcha et escargotières à Ifremeria) et la faune des cheminées, afin d’effectuer les mesures des paramètres physico-chimiques et l’échantillonnage de la faune selon les mêmes critères et nombre de réplicats sur l’ensemble des sites visités au cours des 2 legs de la campagne.

Quels sont les effets de l’exploitation minière sur les ressources hydrothermales ?

A l’heure actuelle, d’importantes lacunes de connaissance nous empêchent d’anticiper le potentiel impact de l’exploitation des ressources minières des sources hydrothermales.

La campagne visait à combler une partie de ces lacunes et à apporter des informations sur l’importance de certaines populations en tant que source potentielle vis-à-vis des autres populations à l’échelle locale ou régionale ou en tant que refuges ou de zones d’endémisme pour certaines espèces.

Trois mois après la campagne, pouvez-vous dresser un premier bilan ?

 Le matériel et une partie des échantillons sont toujours sur le chemin du retour.

 Au cours de la campagne, nous avons échantillonné la plupart de nos espèces cibles sur les 5 zones visées, trié la plupart des échantillons faunistiques à l’échelle de l’espèce et découvert plusieurs nouveaux sites hydrothermaux actifs dont le nouveau site La Scala sur la dorsale de Woodlark.Les échantillons ont été triés à bord, et préservés pour les études au laboratoire.

Nous savons d’ores et déjà que certaines espèces ont une distribution très large, trouvées sur l’ensemble des sites échantillonnés alors que d’autres ont une distribution bien plus restreinte. Il est désormais nécessaire de savoir si ces différences sont liées à la nature hétérogène de l’environnement hydrothermal ou à la spécificité de certains traits d’histoire de vie entre les espèces recensées.